13 octobre et intersyndicale

Yo ! J’ai envie de raconter vite fait les coulisses de l’intersyndicale en vue de la grève du 13 octobre. Pour un peu de contexte, cette date a été pondu par la CES, Confédération européenne des syndicats qui regroupe environ 90 organisations syndicales (OS) à l’échelle de l’Europe (pour la France, la CFDT, la CFTC, la CGT, FO et l’UNSA en font parties), et qui globalement s’en fou pas mal de la base (aka les travailleureuses) pour ses productions. Pour un aperçu du foutage de gueule, je vous laisse lire cette lettre à l’occasion de la passation Berger/Léon à la tête de la CFDT signée par la secrétaire générale de la CES (la gueule du leader visionnaire). Bref, je m’égare. Il y a peu de gens qui s’intéressent à comment fonctionne un syndicat. Moins encore aux rouages des intersyndicales (IS). Et croyez moi, ce n’est pas tout rose. Dans le 56, elle est constituée de Solidaires, CGT, FO, CFDT, UNSA, CFE-CGC, FSU et peut-être d’autres que j’oublie mais peu importe.

Ça commence par une réunion classique où est décidé le parcours, quelle communication, quelle orga fait quoi (déclaration de la manif, qui écrit le tract d’appel, la prise de parole) etc. en se basant sur ce qui a été déjà décidé au niveau de l’IS national (qui s’est elle-même basée sur la CES). Le syndicat chargé du tract (Solidaires) l’écrit puis le transmet aux OS, et là c’est le début du délire. On y mentionne qu’on est pour l’abrogation de la réforme des retraites. La CFDT 56 rétorque que son mandat, qui vient de la CFDT nationale (parce que oui, ce n’est pas une légende, la CFDT fonctionne de manière verticale), c’est de respecter la décision nationale (position également de la CFE-CGC). On tente le forcing, rappeler les mois de lutte difficile, c’est important pour nous, blablabla, rien n’y fait, les réformistes ne veulent pas de cette revendication. La CGT 56 (le syndicat départemental donc, qui est en guerre larvée avec ses syndicats locaux [de territoires ou de grosses boites], qui fait dans son coin sans non plus demander l’avis de sa base) se couche pour maintenir l’unité. FO propose de remplacer par une phrase incisive, car si on évacue complètement ce point, le syndicat se casse de l’intersyndicale. Ici je pense qu’on fait une connerie, car on suit le tempo imposé par le couple CFDT/CGT, mais j’y reviens plus bas. Nous, dans le but du maintien de cette super intersyndicale (sarcasme), on amende et on propose un texte sans la revendication de la réforme des retraites mais avec une mention un minimum pêchu pour rappeler ce qu’il s’est passé. On est le 4 octobre et on en est là pour le moment, ça fait 10 jours qu’on n’a toujours pas le tract de prêt. Pour vous dire le niveau des clowns, on ne parle même pas de la CES, pourtant à l’origine de l’appel du 13, dans le tract et c’est passé comme ça jusque là. Je vous jure. Mais alors qu’est ce qu’on tire de tout cela ?

À posteriori, je regrette de ne pas avoir donner mon avis tout de suite à mes camarades qui est : éclatons cette intersyndicale de façade, on n’a rien à faire avec les réformistes, ça ne nous apporte strictement rien que ce soit politiquement ou sur le terrain (en terme d’adhésion ou d’argument auprès des collègues). L’objectif de maintenir coûte que coûte l’intersyndicale pendant le mouvement des retraites avait un peu de sens car elle a permis la mobilisation de millions de personnes. Ce temps est passé, il est l’heure pour les syndicats de lutte de reprendre la distance avec les réformistes. Que ce soit ces derniers qui se développent et non les nôtres ne doit pas nous faire perdre de vue qu’ils agissent contre les travailleureuses, y a rien à gagner à jouer sur leur terrain. On confirme aussi ce qu’on sait déjà : les syndicats réformistes ont un fonctionnement autoritaire, qui ne laisse aucune place à leurs syndiqué.es. On comprend enfin qu’on est dépassé par certains enjeux concernant la CGT : elle a un intérêt à ce que la date « fonctionne » (en tout cas dans l’imaginaire) car avec la CFDT, elle est largement impliquée dans la CES et se sert du 13 comme d’un outil de communication.

Voilà, j’avais envie de lâcher ça quelque part. Ce billet risque d’être un peu nébuleux, désolé. Le syndicalisme est un monde autant passionnant que désespérant selon les angles. De toute façon, le 13 octobre va être un échec, entre les fonctionnaires qui ne peuvent pas faire grève (sinon ça leur compte leur weekend), une date fourre-tout qui n’a pas de sens et en devient indéfendable, des syndicats qui ne font pas le boulot de communication (et j’inclue le mien, perso j’ai rien communiqué pour cette manif qui va être un bide, j’ai besoin de rester crédible même si j’y participerai évidemment). Mais on verra, sait-on jamais. On se retrouve dans la rue.